Impact et argent, un mariage impossible?

L’arrimage entre argent et impact ne devrait plus être à faire. Notre marché est d’ailleurs en retard de plus de cinq ans sur celui de l’Europe en ce qui a trait au discours autour de la finance durable. Il est donc plus que temps d’aller au fond du sujet à Montréal afin que de plus en plus de startups choisissent la voie de l’impact et soient déjà bien outillées pour le mesurer ainsi que pour en rendre compte. 

Comme l’a si bien dit Axel Bonaldo, directeur, développement des affaires chez Impak, lors du dernier panel organisé sur le sujet dans le cadre de la Semaine de l’impact 2022: « N’attendons pas la réglementation, allons de l’avant. »

Une startup d’impact peut faire de l’argent 

Chez Polystyvert, une entreprise spécialisée en recyclage de polystyrène (un type de plastique très utilisé), l’argent et l’impact connaissent une cohabitation positive et profitable. Solenne Brouard, la fondatrice et cheffe de la croissance de l’entreprise est sans équivoque à ce sujet : « Forcément, si une entreprise n’a pas de succès, elle n’aura pas un grand impact. C’est la raison pour laquelle si une startup fait le choix d’orienter son plan d’affaires sur l’impact et qu’elle connaît du succès, il y aura de la richesse qui sera créée. Faire de l’argent permet à une entreprise de pouvoir être durable, c’est une des clés de l’impact. Ce n’est donc pas dissociable l’un de l’autre. » 

Il faut dire que Solenne parle en connaissance de cause puisque, l’entreprise qui a été créée il y a de cela onze ans, vaut  aujourd’hui plusieurs dizaines de millions de dollars et contribue parallèlement à générer des impacts très positifs en matière d’environnement. Vous pouvez d’ailleurs la voir en parler un peu plus dans cette courte vidéo qui présentée en complément aux ateliers de la Semaine de l’impact. 

Même son de cloche du côté de Martin Larocque, co-fondateur de Electrocarbon, une entreprise qui contribue significativement à la lutte contre le changement climatique. Elle convertit le dioxyde de carbone (un des principaux gaz à effet de serre) en produits chimiques à valeur ajoutée. Lorsque ce dernier fait son argumentaire de vente auprès d’investisseurs, il connaît son équation financière et sait démontrer la rentabilité de son produit. 

Son discours est d’ailleurs bonifié par certaines données de l’analyse du cycle de vie qu’il a effectué assez tôt dans le développement de son entreprise. Il sait donc, entre autres, que pour chaque tonne de molécules chimiques qu’il conçoit, il retire l’équivalent de 2,15 tonnes de CO2 de l’atmosphère. Il confirme ainsi la viabilité de son modèle. C’est grâce à cette approche structurée qu’il a pu choisir des investisseurs alignés avec ses valeurs qui ont, depuis le début, « la patience de suivre l’évolution de son projet d’affaires. » 

Un contexte financier et d’investissement en mouvance

La tendance actuelle – dans le monde de la finance et de l’investissement – suggère aux startups d’aller au-delà des données extra-financières et de démontrer l’impact positif pour l’environnement qu’elles génèrent (ou pensent générer). Tant au moment de la recherche d’investisseurs, que par la suite, dans la reddition de comptes. Évidemment, selon la phase de croissance de votre entreprise, vos investisseurs ne vous demanderont pas le même niveau de détails. Il y aura donc une différence entre les rondes de financement pre-seed, seed, Series A et les Series B+.

D’ailleurs, pour ceux qui ne savent pas par où commencer, il pourrait être intéressant de chercher des alliés financiers à travers les différents réseaux qui existent au Québec pour bien vous entourer. La clé est de trouver un premier investisseur externe pour appuyer votre projet. Cette étape permet d’avoir accès à plusieurs autres sources de financement non-dilutif par la suite. 

Vous pourriez ensuite aller frapper à la porte des différents accélérateurs, tels que Cycle Momentum, qui vous donneront accès à plusieurs ressources pour structurer votre projet en plus d’élargir votre réseau de contacts stratégiques. 

Voici, en rafale, d’autres ressources à explorer selon le stade de développement qui s’applique à votre startup à impact : SDTC, les anges investisseurs (il y en a presque autant que d’entreprises, il faut donc en rencontrer plusieurs pour trouver celui qui partagera pleinement votre vision), des fonds spécialisés sur l’impact comme Blue Vision Capital, Innovobot, surtout lorsqu’ils sont soutenus par de l’argent du public (MEIE ou Investissement Québec) et les autres programmes de soutien financier non-dilutif qui existent dans notre écosystème effervescent tel que Technoclimat. 

Quelle approche choisir pour témoigner de l’impact d’une entreprise ? 

Bien qu’il n’y ait pas encore de standards pour la notation d’impact chez les startups, Catherine Bérubé, Vice-présidente, développement durable, relation avec les investisseurs et affaires publiques, Cycle Momentum et Cycle Capital  suggère de : « commencer petit, mais commencer quelque part. » 

Pour les startups, commencer par évaluer les données matérielles, notamment les émissions évitées peut être un bon début avant de penser à effectuer un virage complet vers une stratégie d’impact. Il est important de souligner à cet égard que toutes les startups ne sont pas égales lorsqu’il est question d’intégrer l’impact. Une autre approche intéressante pourrait être celle d’effectuer un exercice de théorie du changement. Cette pratique, qui vise à analyser les liens de causes à effets des activités de votre entreprise, permet de mieux comprendre ce que vous générez de positif et de négatif et comment vous le faites. 

Pour les entreprises déjà établies, il y a des modifications à prévoir pour créer de l’impact et répondre aux nouveaux standards qui se dessinent à l’horizon. Il pourrait donc être profitable de débuter une collecte d’informations plus exhaustive. Dans le cadre de cet exercice, vous pouvez utiliser plusieurs ressources existantes, comme de lire des rapports d’impacts produits par des entreprises de votre secteur d’activités ou encore, consulter des listes de mesures potentielles pour identifier les plus pertinentes à votre contexte, comme celles disponibles chez Credo Impact, Iris+, SASB ou GRI. Allez-y en douceur avec ce qui convient le mieux au stade de votre startup!

Est-il plus difficile de faire de l’argent pour une startup d’impact ? 

Comme le disait si bien Solenne, le mariage entre startup d’impact et argent est un mariage tout à fait possible et même enrichissant et heureux. Il faut considérer l’impact et l’argent comme le Yin et le Yang, des éléments complémentaires où chacun contribue à faire grandir l’autre. 

Le marché change, il y a de plus en plus d’investisseurs et d’entreprises aujourd’hui qu’il y a quelques années. Ça donne donc plus de choix de part et d’autre. Les moments difficiles sont de l’histoire ancienne, le mariage est là pour durer.